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Nouveauté : Bréviaire des vaincus II, d’Emil Cioran

mardi 22 mars 2011

Le Bréviaire des vaincus II fait partie de ces œuvres marquées par une étrange destinée. Cioran le composa pendant la guerre, en roumain, dans le décor de ce Paris occupé où il n’avait pas encore pris la décision de ne plus écrire qu’en français. À l’époque, il vient de quitter définitivement son pays natal – mais c’est toujours dans sa langue maternelle qu’il fixe ses pensées, qu’il crée.

Le Bréviaire est le dernier texte de Cioran rédigé en roumain : un livre d’abord voué à être publié puis « oublié » par son auteur durant quelque quarante ans !

En 1993, Alain Paruit offrit une magnifique traduction de ce Bréviaire que Cioran, devenu écrivain de langue française, avait pour lui-même jugé en 1963 « illisible, inutilisable, impubliable ». Mais si le grand traducteur avait contribué à sauver de l’oubli l’œuvre charnière de Cioran, il ignorait alors l’existence d’une seconde partie, découverte seulement après la mort de l’écrivain, en 1995.

C’est cette seconde partie, demeurée totalement inédite, que nous proposons aujourd’hui. Imprégnée du même souffle que la première, elle enregistre les oscillations d’une identité qui se cherche, s’échappe, aspire sans cesse à s’affirmer – fût-ce dans l’excès ou dans le paroxysme de la contradiction. Véritable « journal » de l’esprit de Cioran, l’œuvre explore – souvent avec poésie, parfois avec lyrisme – les nuances d’un désespoir unique, porté par la « malchance » d’être né roumain, impuissant à accepter les limites de la raison comme celles de l’amour, interrogeant sans répit Dieu et sa possible absence, mais saluant encore « le charme fou de l’irréparable » pour puiser enfin dans la musique un antidote efficace contre l’ennui, ce « triomphe absolu de l’Identité ».

Le curieux destin de ce Bréviaire, seconde partie, aurait sans doute amusé son auteur ; il est pour nous l’occasion d’en savoir davantage sur le cheminement intérieur d’un homme qui s’apprêtait à faire l’expérience d’une autre patrie, c’est-à-dire – selon ses propres conceptions – d’une autre langue.

« L’air que nous respirons est un hospice où la raison entretient de fausses éclaircies. Dans le monde, les ténèbres ne sont pas l’improbable ; elles sont la certitude de nos os. La nuit gémit dans leur moelle et dans celle des pensées. La lumière rend l’âme dans les chevilles, dans le crâne. Et tandis qu’elle vacille, quelqu’un tourne l’ultime page de l’esprit. »

Extrait, E.M. Cioran

Bréviaire des vaincus II
E. M. Cioran
Traduit du roumain par Gina Puica
Essai
13,50 €

Disponible à partir du 23 mars dans les meilleures librairies et sur www.lherne.com